Histoire de reprendre les bonnes habitudes, un post pour vous dire que j'ai découvert cette nuit, entre deux insomnies, que les limaces ont leur pied sur le ventre. Du coup j'ai veinement tenté d'imaginer les hommes pareil ... ^^
Sinon, le gens disent qu'il fait beaucoup trop chaud en été en Argentine, et à Buenos Aires. Mais en fait je suis en train de penser (oui parfaitement) que c'est le climat idéal... du soleil, du vent, un peu d'humidité pour relever tout ça, la combinaison parfaite (rêvez, rêvez, amis perdus dans vos contrées enneigées!).
voilà! sinon ce midi je retourne chez Burger King, après plus d'un mois de séparation forcée ... jvous mettrai une photo promis!!
Allez bisoux les zozios et à bientôt pour de nouvelles aventures!
ps: quoiqu'on en dise, les virus c'est le mal. Fin de la citation.
mardi 29 janvier 2008
samedi 26 janvier 2008
Dimanche 13 janvier 2008
Chez moi. Du moins je le pensais avant d’arriver. Le Cameroun, ma maison, mon jardin, ma chambre. La mienne, avec mon empreinte, mon odeur, mes souvenirs. Mais non. A vrai dire, ce n’est plus autant chez moi que peut l’être ma chambre en argentine. D’abord la stupeur, j’entre dans ma chambre, la même climatisation, la même disposition des quelques meubles, mais ce ne sont plus les mêmes. Tout a changé, les murs sont blancs. Plus aucune trace de mes photos, de mes affiches, ajoutées au fil des années, au fil de mes goûts qui changent. Mon lit aussi a disparu comme englouti par cette nouvelle vague de pureté. Mon matelas plein des trous de mon histoire, celui du bac ou d’une nuit blanche, les fauteuils préférés et attitrés de mes amis, ma petite table où tant d’encre a coulé. Même le bureau est différent. Explication ? : « oh ça avait bien besoin d’une couche de peinture tu sais. Et puis ces nouveaux meubles sont pas mal non ? Ah et t’as vu que tu as un nouveau matelas ? L’ancien était vraiment trop vieux ! ».
Et moi aussi vous allez me remplacer ? Me peindre en blanc ? Effacer de ma mémoire toutes ces petites merdes qui font que je suis ce que je suis ?
Et puis tant pis, tout est blanc ? C’est peut-être le moment d’un nouveau départ, ici aussi. Il faut trier toutes ces choses qui sont maintenant entassées dans un petit placard. En vrac, en bordel… c’est le foutoir qu’ils disent, mets-y un peu d’ordre. Oui, mon foutoir, je le reconnais bien là, il encombre, plein de petits rien, un mot par ci, une lettre par là, une réflexion notée sur un bout de papier. Je devrais peut-être en faire une compilation, les noter quelque part, toutes ces choses que j’ai pensé à un moment dans ma vie, des blagues, des soucis d’adolescente, ou d’autres plus métaphysiques.
La métaphysique, je retombe sur des notes prises en dialoguant avec mon prof de philo, gentiment surnommé M.G, en hommage à un autre M.V bien connu en littérature. J’ai plus appris sur moi-même qu’avec d’autres, qu’avec de bons amis, le seul moment de mon existence où j’ai « parlé » en cours, pour le plus grand plaisir de mes camarades qui pouvaient en paix faire leurs devoirs d’espagnol pendant que je « partais en croisade ». Contre moi-même, contre cette philosophie trop souvent contradictoire, contre tous ces avis qui se mêlent et s’entremêlent, un joyeux foutoir.
Et puis tant pis, tout est blanc ? C’est peut-être le moment d’un nouveau départ, ici aussi. Il faut trier toutes ces choses qui sont maintenant entassées dans un petit placard. En vrac, en bordel… c’est le foutoir qu’ils disent, mets-y un peu d’ordre. Oui, mon foutoir, je le reconnais bien là, il encombre, plein de petits rien, un mot par ci, une lettre par là, une réflexion notée sur un bout de papier. Je devrais peut-être en faire une compilation, les noter quelque part, toutes ces choses que j’ai pensé à un moment dans ma vie, des blagues, des soucis d’adolescente, ou d’autres plus métaphysiques.
La métaphysique, je retombe sur des notes prises en dialoguant avec mon prof de philo, gentiment surnommé M.G, en hommage à un autre M.V bien connu en littérature. J’ai plus appris sur moi-même qu’avec d’autres, qu’avec de bons amis, le seul moment de mon existence où j’ai « parlé » en cours, pour le plus grand plaisir de mes camarades qui pouvaient en paix faire leurs devoirs d’espagnol pendant que je « partais en croisade ». Contre moi-même, contre cette philosophie trop souvent contradictoire, contre tous ces avis qui se mêlent et s’entremêlent, un joyeux foutoir.
Mon jardin, à l’ombre d’un manguier tout parait plus simple, regardant les oiseaux qui font leur nid, fuyant les bestioles qui se terrent pour surgir par hasard sur un plis du jean, le tout agrémenté de cris stridents, puis des moqueries de Jérôme le jardinier, ou même d’Adriano « Tu veux que l’écrabouille ? ». Oui s’il te plaît. Ou non, ce n’est pas tellement chez moi par ici, ça ne me plairait pas qu’on m’écrabouille chez moi. Voilà c’est dit.
Bref, chez moi, sans l’être totalement. Appartenir à un lieu, ça paraît d’un coup important, y avoir des amis aussi. Ici je n’en ai plus, ils sont tous allés faire leur vie, comme moi je l’avoue, et ne rentrent plus tellement au pays. Pourquoi ça coûte tellement cher ? Pourquoi empêcher les gens de venir ? il ya tellement de contraintes dans ce pays. Ce magnifique pays : l’Afrique en miniature. Un bac à culture de culture. Oui, je ne trouve pas plus redondant, mais c’est ce qu’il ya de mieux pour le décrire. Le plus beau pays, le moins exploité. C’est contradictoire, mais il faut souffrir pour pouvoir l’apprécier.
J’y ai voyagé, peu dans ma vie ici, et beaucoup cette fois ci. J’ai pris l’avion (incroyable mais avec seulement une heure de retard), je suis partie au nord (pas l’extrême, ça faisait un peu loin et puis à ce qu’il parait pas de structure d’accueil). Vous l’avez compris le Cameroun est divisé en fonction de ses différents climats et paysages. Au sud, la forêt équatoriale, à l’ouest (qui en fait est l’est, mais je ne sais pas pourquoi on appelle ça l’ouest, de l’Afrique sans doute) des collines verdoyantes, le côté très « agriculture » donc. Au nord, la savane, relativement verdoyante encore, avec des températures vivables même en période sèche (entendez dans les 40°). Puis l’extrême nord, savane aussi, mais de plus en plus aride au fur à mesure qu’on monte, semi désertique en somme. Puis la côte, le littoral, avec la mer, le fleuve principal et son port. Voilà, en résumé très grossier ce qu’on peut y voir, dans ce pays magnifique.
Sinon, il est aussi possible de couper en fonction des langues nationales : français ou anglais. Ou encore, en fonction des majorités en matière de religion : chrétien, ou musulman. Où le mieux en fonction du nombre d’ethnies, travail beaucoup plus fastidieux vu qu’on en dénombre pas moins de 240.
On a voyagé pour voir des animaux, bien que ce ne soit pas la saison. Tentant une nouvelle expérience dans un coin réputé dangereux (coupeurs de routes et co y sévissent parfois). Ce qui a valu à mon père la visite au général (de l’armée donc) affecté à la zone. Vous avez peur ? non, on y est allé les doigts dans le nez sans crainte des risques, et on a eu aucun soucis alors bon on va pas épiloguer.
On a longtemps cherché les félins, les éléphants, j’ai en vain scruté les arbres à panthère, y cherchant mon animal préféré, celui considéré comme une anomalie de la nature : la panthère noire, la féline, classe et dangereuse. En vain. J’ai apprécié le côté très sauvage, il a parfois fallu sortir couper à la machette les branches d’arbres au milieu de la piste. Les animaux y sont d’autant plus beaux, qu’ils se font rares, qu’ils ne sont pas habitués à voir des humains, des voitures ronronnantes et brisant ce silence pas si silencieux de brousse.
Ils fuient pour mieux nous observer avec curiosité, de loin. On aurait dit nous, mais en pas sur deux pattes, en pas sur 4 roues, et pas avec des trucs carrés qui crépitent parfois, juste ce regard accusateur.
Ils sont impressionnant d’énormité, de vacance : aller chercher de l’eau, aller chercher de la nourriture, puis se mettre à l’ombre pour pouvoir digérer tranquilles.
On a fait exactement la même chose. A savoir que dans un camp, sans lumière (un peu le soir pour la forme), sans réseau téléphonique, sans télé, sans Internet, sans piscine, sans cinéma, et même a un moment sans lecture, il y a pas grand-chose d’autre à faire que : boire, manger, et se reposer à l’ombre. Un jour je vivrai dans la savane, paradis de la glande.
Sur le chemin du retour on a décidé de faire un détour pour aller manger dans les Iles grecques, du capitaine fumé en entrée, du capitaine grillé en plat et en dessert du cap… ah non rien en fait.
Sinon, j’avais oublié que les moustiques aiment, que dis-je (c’est une péninsule) adorent ma peau caramélisée et mon sang juteux à souhait, j’aurais pu compter les piqûres sur les doigts de 20 mains, Tatiana aussi, et ce malgré tous les sprays très efficaces sur tous les autres. Je suis maudite.
Bref, le Cameroun c’est le paradis. Surtout qu’il y a mes deux monstres. D’autant plus monstrueux qu’il m’est de plus en plus difficile de leur résister, surtout qu’ils connaissent mon point faible avec eux : les bisoux… en même temps ça se comprend.
Ils ont bien grandi depuis la dernière fois.
Le fait qui m’aura le plus marqué c’est une discussion avec Adriano qui un jour sans prélude me sort « je n’ai pas envie de mourir Steph. ». Puis me parler les larmes aux yeux de ses craintes : « est-ce que quand on est mort on est tout seul dans le noir, il n’ya plus rien ni personne… est ce que tu seras là Steph quand je vais mourir ? Est-ce qu’on sait quand on va mourir ? ». Comment dire à un bout de chou de 6 ans qu’il ne saura jamais, que personne ne sait et que c’est malgré tout ce qui fait la beauté de la vie ? Comme ça, avec franchise, malgré que cette réponse n’en soit pas une. C’est dur quand on a 6 ans d’accepter déjà le mot « fatalité », le mot « impuissance », le mot « injustice ». Je l’avais déjà oublié. Il semblerait que c’est dans les gênes d’être des torturés de l’esprit…
Bref, des vacances, des vraies, avec des hauts et des bas… et puis le départ déjà qui approche et les marques recréées qui vont être difficile à briser. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas passé autant de temps ici, chez moi, retrouvant toute une partie de moi que je n’avais pas oubliée mais qui était presque en sommeil, déjà. Toutes ces odeurs, ces sensations, ces réactions, ces gens, qui me font me dire, oui sans conteste c’est ici que je suis née, que j’ai grandi et que j’ai construit ce qui fait de moi ce que je suis.
Divagations matinales
L’épicurisme à son paroxysme, ou comment être heureux à des milliers de kilomètres de tout et à quelques centimètres, quelques millièmes de secondes de l’autre. Cet autre là me pose un défi, ou c’est toute seule que je me l’impose, je ne sais plus. Le sujet : où se trouve le Bonheur ?
Réponse : dans l’immédiat, il est dans ce verre d’eau transpirant de la douce fraîcheur de son contenu sans cesse revigoré par ces petites choses éphémères que l’on nomme glaçon. Oui le bonheur c’est ça : un bon verre d’eau fraîche, quand on a soif. Deuxième condition prépondérante, plus on a soif, plus on apprécie cette eau qui soudain apparaît comme miraculeuse.
L’eau c’est la vie, c’est normal. Faisons donc une comparaison toute bête, imaginons que l’eau ce soit le bonheur. Tout s’explique donc. Les gens que j’ai le plus vu heureux, les vrais épicuriens, sont ceux qui souffraient le plus. Les destins tragiques forment des personnalités hors du commun, dans le bon comme dans le mauvais côté. Et paradoxalement, cet extra-ordinaire devient en fait la simple capacité à apprécier les choses pour ce qu’elles sont dans le présent, pour le réconfort qu’elle apportent dans l’instant.
Le bonheur, pour le moment, avec ce verre d’eau, c’est donc l’instant où sentant le goût frais et délicatement fruité de cette eau, je me sens désaltérée. Rien de plus, rien de moins.
Une entrée en matière pour le moins surprenante. Certes, mais lorsqu’on a rien à dire, on divague, c’est bien connu. Quelqu’un m’a dit que je pouvais bien parler des glaçons si je voulais, ou de mes vadrouillages nocturnes. Je m’exécute donc.
La No-life, c’est rester chez soi à ne rien faire. Je suis passée experte en la matière. Mais en fait ce n’est pas le Rien, qui n’existe vraisemblablement pas. C’est au contraire s’abreuver d’une vie, qui n’est pas la notre. Lire, écouter de la musique, regarder des films, tenter quelques accords de guitare. Ca vous remplit une journée en un rien de temps, et le temps, alors s’abollit, les jours passent lentement et on a l’impression d’avoir vécu mille choses au travers de ces histoires d’autres qu’elles sont belles à entendre, belles à voir ou à imaginer. Car l’élément important de la No-life, c’est l’imagination. Avec son imagination on peut voyager partout, comme l’exprime si bien le film Le scaphandre et le papillon. On est de toutes les façons toujours enfermés quelque part, alors tant que ce n’est pas dans notre tête ça va.
Tout ça pour dire que Buenos Aires prête autant à la No-life qu’à vivre sa vie. La sienne, qui n’appartient qu’à nous, avec nos décisions, nos erreurs et le concert de conséquences qui va avec. On peut vite s’y retrouver seul, et trouver des gens avec qui parler est chose aisée.
Je suis radicalement passée de l’un à l’autre et le résultat est clair. J’ai pris mes pieds, mes lunettes et nous sommes ensembles allés dans un bar. Un bar censé être un « pub », mais qui n’a de ce qualificatif que la réputation, infondée. Il y avait des gens, avec leurs amis, des jeunes hommes et des jeunes filles, je dois l’avouer presque tous beaux. Il semblerait qu’il y ait des endroits où ils aiment se rencontrer, échangeant de beaux sourires, et de beaux souvenirs, tout aussi vides de véritables sentiments qu’ils sont éphémères. J’y suis donc entrée armée de mon plus beau sourire et de mes chaussures violettes (les deux au même niveau, au ras des pâquerettes), je me suis nonchalamment dirigée vers le bar, scrutant autour de moi et tentant de m’approprier ce nouveau lieu. Je ne pourrais pas être aveugle, c’est déjà assez compliqué d’affronter l’abyme existentiel, si en plus il doit être omniprésent et presque palpable, …. Bref, je suis donc au bar, et bien sûr vu que c’est bondé, il y a du monde, il faut attendre pour être servi, ce qui est quand même fort regrettable vous avouerez. Or, généralement les gens civilisés dans des lieux qui ne le sont pas moins, discutent en attendant leur prochain.
Je peux donc vous l’avouer à présent je pourrais être une vraie lifeuse, une de celles qui trouve toujours quelque chose à dire, un sourire niais sur les lèvres. Quand on est seul surtout, il y a moins de difficulté à venir vous parler (oui de l’aveux de certains, je peux parfois faire peur, en monstre glacé que je suis). Il suffit alors d’animer la sympathie chez l’autre.
C’est comme pour danser le tango. Explication : il y a des codes, comme une cérémonie avant que deux partenaires se choisissent. Tout est jeu de regard, attention à la moindre réaction faciale de l’autre (d’où l’avantage bien reconnu de voir, c’est beau les sens). En clair, l’homme scrute son élue, qui si elle est d’accord répond par un simple sourire, et si non, elle se contente de détourner le regard. C’est pour cette raison simple que dans un lieu où se danse le tango il est conseillé d’éviter de scruter avec attention tous les faciès burinés de l’assistance sous peine de se voir proposer des choses indécentes, comme une danse.
Dans un bar, la cérémonie reste la même. Je suis fascinée par toutes ces petites différences d’un pays à l’autre, bien qu’incapable de les énumérer. Ma socialisation à la façon d’une sociologue en herbe (ras des pâquerettes je vous disais) consiste en l’observation attentive et presque religieuse des jeux cérémoniques des lifeurs aériens. Le constat ? il vaut mieux être accompagnée légèrement que pas du tout. Être seule pourrait conférer un avantage, le libre arbitre et la libre décision (non ce n’est pas la même chose), mais un inconvénient aussi : être métisse, française, s’exprimer relativement bien dans trois langues bien définies, et en plus avec des lunettes et des chaussures violettes, ça fait beaucoup en une seule fois. Beaucoup trop, de monde, de tables et de chaises, de gens beaux, de finitude humaine (ça c’est juste pour faire genre que je pense, mais c’est un leurre, vous êtes prévenus).
Alors bon, dans un sens vous allez vous dire que je me suis ennuyée, toute seule, ou que d’autres se sont chargés de cette tâche hardie. Mais non, en fait j’en ai bien profité, j’ai discuté avec quelques personnes ravies de me faire découvrir leur français médiocre ou de me faire constater qu’ils parlent italiens aussi mal que je le comprend. Et en définitive c’était drôle, de voir mes semblables ainsi se voiler la face sur ce qu’ils sont, des gens beaux avec du rien dedans, ou parfois et c’est plus intéressant, une apparence de rien avec ce petit truc qui vous fait penser : j’aime bien la vie.
Réponse : dans l’immédiat, il est dans ce verre d’eau transpirant de la douce fraîcheur de son contenu sans cesse revigoré par ces petites choses éphémères que l’on nomme glaçon. Oui le bonheur c’est ça : un bon verre d’eau fraîche, quand on a soif. Deuxième condition prépondérante, plus on a soif, plus on apprécie cette eau qui soudain apparaît comme miraculeuse.
L’eau c’est la vie, c’est normal. Faisons donc une comparaison toute bête, imaginons que l’eau ce soit le bonheur. Tout s’explique donc. Les gens que j’ai le plus vu heureux, les vrais épicuriens, sont ceux qui souffraient le plus. Les destins tragiques forment des personnalités hors du commun, dans le bon comme dans le mauvais côté. Et paradoxalement, cet extra-ordinaire devient en fait la simple capacité à apprécier les choses pour ce qu’elles sont dans le présent, pour le réconfort qu’elle apportent dans l’instant.
Le bonheur, pour le moment, avec ce verre d’eau, c’est donc l’instant où sentant le goût frais et délicatement fruité de cette eau, je me sens désaltérée. Rien de plus, rien de moins.
Une entrée en matière pour le moins surprenante. Certes, mais lorsqu’on a rien à dire, on divague, c’est bien connu. Quelqu’un m’a dit que je pouvais bien parler des glaçons si je voulais, ou de mes vadrouillages nocturnes. Je m’exécute donc.
La No-life, c’est rester chez soi à ne rien faire. Je suis passée experte en la matière. Mais en fait ce n’est pas le Rien, qui n’existe vraisemblablement pas. C’est au contraire s’abreuver d’une vie, qui n’est pas la notre. Lire, écouter de la musique, regarder des films, tenter quelques accords de guitare. Ca vous remplit une journée en un rien de temps, et le temps, alors s’abollit, les jours passent lentement et on a l’impression d’avoir vécu mille choses au travers de ces histoires d’autres qu’elles sont belles à entendre, belles à voir ou à imaginer. Car l’élément important de la No-life, c’est l’imagination. Avec son imagination on peut voyager partout, comme l’exprime si bien le film Le scaphandre et le papillon. On est de toutes les façons toujours enfermés quelque part, alors tant que ce n’est pas dans notre tête ça va.
Tout ça pour dire que Buenos Aires prête autant à la No-life qu’à vivre sa vie. La sienne, qui n’appartient qu’à nous, avec nos décisions, nos erreurs et le concert de conséquences qui va avec. On peut vite s’y retrouver seul, et trouver des gens avec qui parler est chose aisée.
Je suis radicalement passée de l’un à l’autre et le résultat est clair. J’ai pris mes pieds, mes lunettes et nous sommes ensembles allés dans un bar. Un bar censé être un « pub », mais qui n’a de ce qualificatif que la réputation, infondée. Il y avait des gens, avec leurs amis, des jeunes hommes et des jeunes filles, je dois l’avouer presque tous beaux. Il semblerait qu’il y ait des endroits où ils aiment se rencontrer, échangeant de beaux sourires, et de beaux souvenirs, tout aussi vides de véritables sentiments qu’ils sont éphémères. J’y suis donc entrée armée de mon plus beau sourire et de mes chaussures violettes (les deux au même niveau, au ras des pâquerettes), je me suis nonchalamment dirigée vers le bar, scrutant autour de moi et tentant de m’approprier ce nouveau lieu. Je ne pourrais pas être aveugle, c’est déjà assez compliqué d’affronter l’abyme existentiel, si en plus il doit être omniprésent et presque palpable, …. Bref, je suis donc au bar, et bien sûr vu que c’est bondé, il y a du monde, il faut attendre pour être servi, ce qui est quand même fort regrettable vous avouerez. Or, généralement les gens civilisés dans des lieux qui ne le sont pas moins, discutent en attendant leur prochain.
Je peux donc vous l’avouer à présent je pourrais être une vraie lifeuse, une de celles qui trouve toujours quelque chose à dire, un sourire niais sur les lèvres. Quand on est seul surtout, il y a moins de difficulté à venir vous parler (oui de l’aveux de certains, je peux parfois faire peur, en monstre glacé que je suis). Il suffit alors d’animer la sympathie chez l’autre.
C’est comme pour danser le tango. Explication : il y a des codes, comme une cérémonie avant que deux partenaires se choisissent. Tout est jeu de regard, attention à la moindre réaction faciale de l’autre (d’où l’avantage bien reconnu de voir, c’est beau les sens). En clair, l’homme scrute son élue, qui si elle est d’accord répond par un simple sourire, et si non, elle se contente de détourner le regard. C’est pour cette raison simple que dans un lieu où se danse le tango il est conseillé d’éviter de scruter avec attention tous les faciès burinés de l’assistance sous peine de se voir proposer des choses indécentes, comme une danse.
Dans un bar, la cérémonie reste la même. Je suis fascinée par toutes ces petites différences d’un pays à l’autre, bien qu’incapable de les énumérer. Ma socialisation à la façon d’une sociologue en herbe (ras des pâquerettes je vous disais) consiste en l’observation attentive et presque religieuse des jeux cérémoniques des lifeurs aériens. Le constat ? il vaut mieux être accompagnée légèrement que pas du tout. Être seule pourrait conférer un avantage, le libre arbitre et la libre décision (non ce n’est pas la même chose), mais un inconvénient aussi : être métisse, française, s’exprimer relativement bien dans trois langues bien définies, et en plus avec des lunettes et des chaussures violettes, ça fait beaucoup en une seule fois. Beaucoup trop, de monde, de tables et de chaises, de gens beaux, de finitude humaine (ça c’est juste pour faire genre que je pense, mais c’est un leurre, vous êtes prévenus).
Alors bon, dans un sens vous allez vous dire que je me suis ennuyée, toute seule, ou que d’autres se sont chargés de cette tâche hardie. Mais non, en fait j’en ai bien profité, j’ai discuté avec quelques personnes ravies de me faire découvrir leur français médiocre ou de me faire constater qu’ils parlent italiens aussi mal que je le comprend. Et en définitive c’était drôle, de voir mes semblables ainsi se voiler la face sur ce qu’ils sont, des gens beaux avec du rien dedans, ou parfois et c’est plus intéressant, une apparence de rien avec ce petit truc qui vous fait penser : j’aime bien la vie.
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