mercredi 9 juillet 2008
El fin
Dans la suite des métaphores cycliques, je constate que la vie n'est qu'un éternel recommencement. Me revoici a l'endroit d'où je suis partie, a partir d'où cette aventure incroyable, cette année folle a pris son élan.
Je retombe aujourd'hui, sur les genoux, les larmes aux yeux et des images plein la tête.
Spécialiste de la mélancolie, je m'en donne a coeur joie. Je rumine et fulmine pensant aux regrets, puis m'exalte face aux souvenirs de rires.
Des regrets oui, parcequ'on est jamais satisfait, on en a jamais assez vu, on a toujours fait des choix irréfléchis. Ou, comme toujours, ce sont les non-choix, les actes manqués, la négation de ce qui aurait pû être qui l'emporte.
Premier constat, on a beau tenter par tous les moyens de ne pas créer de liens, de ne pas s'attacher trop, c'est peine perdue. Je l'ai déjà fait, je l'ai déjà vécu, encore ce thème de répétition. J'ai déjà dit adieu, à des gens, à des lieux... et il n'ya sans doute rien de plus difficile (à mon sens).
Abandonner cet instant qui jamais plus ne reviendra, perdre cette occasion d'être, à un endroit à un moment donné avec un certain état d'esprit.
Je n'aurais plus jamais 19 ans en Argentine avec ces personnes là.
Mais relativisons, c'est la vie. C'est le concept, et c'est ce qu'on appelle grandir et affronter la réalité. Et si je dois faire le bilan, comme l'exprime si bien l'espagnol: tout mettre sur une "balance", c'est le bonheur qui l'emporte.
Explication.
Avouons que pour une glandeuse finie, une année passée à rien foutre ou presque, c'est le bonheur. Pour une amatrice de recherche de différence et d'apprentissage de l'incroyable et gigantesque palette de couleurs que peut offrir l'humanité, c'est le paradis. Pour une contemplative, voir la nature dans son plus pur appareil, c'est l'Eden. Pour une amatrice de sensations fortes, profiter des fiestas les plus locas de son existence, c'est une chance. Pour une amatrice d'arts, bosser dans un centre culturel, s'interesser a une nouvelle forme d'expession musicale et corporelle, c'est un plaisir.
Ce que m'a apporté cette année n'a rien a voir avec un enseignement théorique, ni avec des livres (surtout face a mon incapacité a terminer un bouquin), ni d'ailleurs avec des choses qui peuvent s'expliquer par des mots. C'est ce qui s'appelle se forger une expérience. Un grand mot qui prend peu de place aujourd'hui. Et pourtant j'ai l'impression d'avoir appris plus qu'en 15 années d'études, certes peu acharnées, mais d'études quand même. Autant sur moi même que sur les autres. Autant sur ce que je ne veux pas pour ma vie future, que sur ce que je voudrais.
Et puis tous ces gens, amis d'une journéee, et amis de fêtes. Ceux à qui l'on se confie sans raison particulière, parcequ'on ressent ce besoin de se livrer... des deux côtés. Des gens que jamais plus je ne reverrai, des gens dont je ne connais que des détails, mais qui m'ont nourrie de leur expérience a eux. Je me suis appropriée les leçons qu'ils ont tirés de leur vie et pour ça je dois les remercier.
Remercier cette ville, ce pays qui m'ont offert l'opportunité de découvrir encore une fois qu'il existe une autre façon d'être. Et je continue ainsi traversant les endroits, les envies, les gens, à construire ce melting pot qui constitue ma façon d'être.
Il n'ya pas une Stephanie, ni une Christelle. Nous sommes tous d'une certaine façon tous les gens que nous avons connus. Et je suis fière de revendiquer aujourd'hui ma condition d'éponge.
Et voilà, encore une fois, en écrivant j'en dis trop. Parcequ'écrire, c'est encore la façon la plus simple de s'avouer à demi mot, entre les lignes.
Peu enthousiaste au début à écrire sur cette page a propos de mon expérience, je me rend compte que ça m'a été bénéfique. Merci donc a ceux qui m'auront lu et que je reverrai très sûrement bientôt. Merci pour vos commentaires parfois tellement interessants ... et surtout pour votre patience a lire tant de lignes incongrues.
Comme dirait l'autre (j'ai vu ça en redecouvrant le "bonheur" de la télévision) : merci à la vie, merci à l'amour.
On a beau dire c'est quand même merveilleux de pouvoir ressentir toutes ces choses... et d'un certain côté c'est tout aussi merveilleux de ne vraiment pas pouvoir tout exprimer par le langage.
C'est a cette image que fut mon départ, sans larmes, sans pleurs, sans véritables mots, juste le coeur serré. Des aurevoirs qui sonnent comme des promesses, ou des adieu qui refusent de s'admettre comme tels. Je ne sais vraiment pas si j'y retournerai un jour, ni quand, tant il ya d'autres endroits où je rêve d'aller, en gloutonne de découverte que je suis.
Une âme de voyageuse comme pas mal d'entre nous, génération ouverte sur le monde. Génération qui n'a plus peur de l'altérité mais qui se nourrit d'elle, parceque génération qui se cherche et qui dans l'état actuel des choses préfère se nourir d'ailleurs que d'origine. Ou est-ce le moment de changer de point de vue et revenir à une certaine idée d'humanisme. Imaginons nous enfin comme cet autre. Comme ces quelques mots griffonés sur un bout de papier un jour de tristesse: "yo soy la alteridad, yo soy el otro que me da miedo".
voilà, c'est tout, j'en ai déjà trop dit. J'ai déjà bien trop bavardé, je vais tenter de trouver une raison à mon retour. Et réellement terminer mon année de mobilité, cesser de penser passé, mais penser avenir.
dimanche 25 mai 2008
Fin-etape 3 : craquage en regle...
Je me disais bien que finirait par arriver le moment ou je pete un cable.
Explication.
J'etais donc censee passer deux jours a El Chalten et randonner paisiblement. Sauf que le mot "paisible" semble avoir abandonne mon vocabulaire pour un moment.
Je suis bien partie a El chalten le matin, je suis bien arrivee, bien pris une chambre d'Hostel, et j'ai de suite bel et bien enchaine avec une randonnee... la journee.
Puis de retour, j'ai apercu le bus de vuelta a El Calafate et quelque chose qui me surprend encore s'est produit ... (non je n'ai pas enleve mes vetements et courru nue partout dans le village, je vous vois venir...)
J'ai tout bonnement et simplement decide que j'en avais assez vu d'El Chalten, qui je dois le dire meriterait de figurer dans le dictionnaire comme definition du trou du cul du monde.
Resultat, je m'embrouille avec l'hostel qui ne veut pas me rembourser et je me barre en claquant la porte (veridique). Puis, je m'embrouille avec l'agence de voyage qui ne veut pas changer mon billet et a force de remuer des bras et de faire des calins au vent avec ma douce voix, je gagne, ils cedent.
Me voici donc de retour a El Calafate... puis arrivant a la gare, la nuit, je decide que finalement je n'ai plus non plus envie de rester la. Aussi, je decide de prendre le prochain bus, ou qu'il aille. Sauf que dans le 2eme trou du cul du monde, le prochain bus est a 3h du matin, 7 heures plus tard.
Pas question de payer une deuxieme nuit d'hostel pour rien, dans la meme journee. Je decide donc de camper dans la gare, avec une randonnee de plusieurs km dans les pattes et plus de 8h de trajet en bus (sur la ruta40)dans la meme journee. Je me pose donc alternativement somnolente dans la cafet' de la gare, le couloir de la gare, le retau pres de la gare et j'attend...
Me voici donc 5 heures plus tard a Rio gallegos... puis me disant que la technique du "prochain bus qui part" va peut-etre me conduire au paradis (un nouveau), je me remet de suite en route. A voir.
Ca c'etait il ya 2 jours.
Resultat des courses, j'ai passe ma vie dans le bus, passant nonchallament de ville en ville, de trou perdu en trou perdu, avec pour seul paysage la steppe patagonienne... tellement divertissante pendant toutes ces heures, les yeux colles a la vitre (litteralement, surtout quand le geant ronfleur s'est pointe et a bouffe au moins la moitie de mon espace vital).
Je suis maintenant a Trelew et une nouvelle grave vient de m'etre donnee... ya plus de pingouins. Ces salauds ont pas voulu m'attendre, ils se sont deja tous barres... Adieu mes reves de copinage avec les petites bestioles, adieu les calins et les batailles de boule de neige, adieu la posterite et la rencontre de l'ami de ma vie...
En ce moment je pleure sur mon clavier, comme on pleurerait sur une promesse de bonheur perdue, detruite, oubliee. La motivation meme de ce voyage n'a plus de sens... ou vais-je, qui suis-je, d'ou viens-je? toutes ces questions a nouveau sans reponse...
Ceci etant dit, j'ai surkiffe le cote electron libre. Cette sensation vraiment epanouissante de partir on ne sait ou, d'arriver dans le plus improbable des endroits, le sourire aux levres et le sac bien serre contre soi. Aujourd'hui, je me ballade dans cette ville (Trelew) et les autres alentours... je ne sais pas encore ou je vais, mais j'y vais, sereine, libre et epanouie. Et ca c'est beau.
Du coup, pas de nouvelles photos folles... juste mes trepidentes aventures d'electron andan (oui du verbe marcher).
Ps: A trelew, apres avoir cherche un hostel pendant deux heures, je suis finalement entree dans le premier truc que j'ai trouve... qui s'est trouve etre un hotel deux etoiles.... et je vous garantis qu'apres 10 jours d'hostel, et la deception de l'absence de ces en****(bip biiiiiiip bip bip bip) de pingouins, un bon bain ca fait du bien (meme si la douche etait pas mal non plus)!!!
Allez bisal les gens, je reviens bientot, que dis-je? dans une minute, une seconde, un instant ...
mercredi 21 mai 2008
Mi-etape 3: El Calafate, Patagonie Argentine, sud.
Steppe Patagonique, version enneigee... (et ceux qui l'ont vecu te diront de te mefier de la distance jusqu'a la barriere...)
Bonjour!
Actualiser, actualiser qu'on dit. Pas evident, ca fait a peine deux jours que j'ai ecrit.
Mais enfin, puisqu'il faut repondre a la plebe...
Je suis en ce moment a El Calafate. Patagonie argentine donc, sud.
Il fait toujours froid, mais remontant d'Ushuaia et du detroit de Magellan, ca me parait comme rien... jpeux trainer dehors pendant 15 min avec un simple pull (a la grande surprise des autres voyageurs, qui eux font le trip dans le sens normal: nord-sud). Bonne constitution physique qu'ils disent, a voir.
Dans tous les cas, el Calafate etait un incontournable de mon idee de voyage, et a juste titre. On y trouve, dans le Parque Nacional Los glaciares, des glaciers... tres original me direz vous. Mais, dans ce cas, nul besoin d'en faire des tonnes, la realite est juste belle, imposante, et ...
Avant d'être un glacier, c'est un lac. Lago argentino, bleu-vert laiteux. Entoure d'arbres, que j'ai trouve fascinants. Toujours ces memes couleurs automnales, folles. Et toujours ces branches hivernales, blanches, glacees. Mais des formes, des arc de cercles, des tours et des contours. Alambiques.
Puis le glacier Perito Moreno. Un truc dur a imaginer tant qu'on ne l'as pas vu. C'est comme une coulee de lave glaciaire. Plus ou moins bleue, plus ou moins lisse.
Dur a decrire, pourtant il le faut bien, les photos ne rendent rien. Les photos ne disent pas l'amplitude, la taille, la hauteur. Ce côte incommensurable qui meme a vue d'oeil, même avec cette amplitude visuelle que nous offre ce sens, reste peu mesurable.
C'est un iceberg, mais gigantesque, vieux, tres vieux. Qui est reste immobile depuis plus de 500 ans. Il demeure, et ne prouve qu'il est vivant que par le son.
Rechauffement climatique. Le glacier fond. Et c'est kg par kg, tonnes par tonnes qu'il disparait.
De gros blog de glaces se separent du corps du glacier dans un bruit fracassant, s'ecrasant dans l'eau, comme le tonnerre fracasserait l'air.
Un glacier, ca se voit et ca s'entend.
Puis, apres la silencieuse solitude, apres le froid, apres les glaciers, apres la rage contre la pollution, je me demande qu'est-ce qui pourra encore plus me piquer a vif, me surprendre, et m'evouvoir. C'est qu'il yaurait donc des choses en plus? La nature est-elle donc a ce point pleine de choses que je me contentais d'ignorer?, vaquant a mes citadines occupations?
Il semblerait que oui, puisque demain je pars, a nouveau. Destination: El chalten, la ville la plus jeune d'argentine. Qui a pour seule utilite de constituer un point de chute pour les randonneurs du dimanche, ceux qui veulent explorer ce parc plus en profondeur, dans la solitude et l'oubli. J'y reste deux jours, le temps de camper peut-être pour la premiere fois. Ca dependra du temps.
A savoir que mon desir d'errer plus vers le nord de ce cote andin patagonien argentin est fortement compromis pour cause de trop de meige sur la Ruta40. La fameuse, toujours pas goudronnee comme il faut, je crois.
On verra.
Les discutions, le temps et l'envie guident mon chemin. Je commence a me demander si je rentrerai un jour. Je voudrais juste être une bulle, ou un oiseau, volant a sa guise, par ci, par la. Et chantant a la belle etoile, a la belle lune, aux beaux paysages.
(Autre experience, chanter dans le silence le plus complet, avec aucun echo a l'horizon et cette impression folle que sa voix s'en va vers l'infini... Tu aurais aime Maryse...)
Donc, je m'en vais, sans doute manger une des specialite patagoniques : asado d'agneau. hummm
ps: pour toi ju, Le sandwish jabali du Ptit bar.... en vrai c'est un sandwish avec de la viande de sanglier !!!
Lago Argentino
glaciar Perito Moreno, vue de bateau, a 300m. en vrai, ca fait 2m30 de large sur 60 de haut ...
Un peu ca ...
Ou ca... avec ma tite tête...
lundi 19 mai 2008
Voyage au bout du monde. Etape 2: Patagonie Chilienne
Blanc etincelle, couleurs froides et petillantes.
Les arbres, version nue, avec branches glacees; Ou version arc-en-ciel, explorant la palette des couleurs entre le vert (jaune, orange,) et le rouge. Pointe de vitesse coloree avec le violet, veinuleux. Rare, mais distingue.
Puis la pampa, ici delimitee, mais toujours aussi naine (ce qui est petit est mignon).
Et les nuages, epars. Differents. Sur fond de ciel bleu degrade.
Version plancher, et se superpose celui des vaches a celui des nuages.
Puis version cumulants, ronds, ovales, habillants le ciel de leur manteau de lumiere (le blanc des nuages est rarement reellement blanc).
Et enfin, ceux lourds, embêtants, qui ont un air de pluie qui deplait aux photographes amateurs. Ceux la mangent la lumiere.
Et je me nourris aussi, de ca, de la, de ci. De tout.
J'en bouffe de la nature, pure et saine, comme j'avale son air.
Oxygenant.
Mais la joue collee contre la vitre c'est pire. Je voudrais rester ici plus longtemps, mais je ne l'ai pas, le temps. Je sais que d'autres merveilles m'attendent ailleurs.
Alors j'emporte avec moi ce bout de paradis. Paradis froid, qui comme pour se proteger de l'homme met son costume d'hiver. Se masque les yeux de nuages et se couvre la peau de neige, puis la fait glace, impenetrable, inaccessible.
Pourtant rien n'y fait. Ici beaucoup plus qu'ailleurs on voit le rechauffement de la planete.
Ca n'a rien d'un mythe.
Fin mai et a peine les 1eres neiges dans les contrees les plus au sud du monde. Les glaciers fondent a vue de nez. Pas par mm, mais de cm a metres.
Et les animaux changent leur habitudes. Certains s'en vont plus tôt. D'autres arrivent, plus tard, ou pire, jamais ne reviennent.
Et nous humains construisons villes et usines, embaumons l'air de deodorants et parfums puants la mort.
Sortez couverts qu'ils disent. Certes, mais sortez quand même, des cocoons de betons, et venez voir de vous meme si vous n'y croyez pas. Comparez photos anciennes et photos nouvelles. Pensez futur. et dans 5 ans, et dans 10 ans, et dans 100 ans... ou sera la vie? Dans une boîte en carton? a vendre rayon frais ?
Finie la nature? Termine le paradis ?
Et je m'enflamme je sais, en bien pietre ecologiste que je suis, je pollue comme tout le monde et surement plus que d'autres... mais c'est qu'ici rien n'est premache, ni les mots ni le reste. Tout vient en plein dans ta face, et tu dois plier le dos pour avancer contre le vent... parcequ'il faut avancer. Et peut-être que maintenant je ferais autrechose que tourner le dos et chercher des vents plus clements.
Voila mon bout de patagonie chilienne. Mon bout de paradis pour quelques heures encore. Demain, Argentine a nouveau, et encore et encore. Et toujours je veux.
Je suis partie il ya 6 jours maintenant, et j'ai l'impression que ca fait des millenaires. Regardant les photos du debut, je me dis : t'as fait un sacre bout de chemin deja... mais pas assez.
Et ici seule, un peu perdue, errant a la recherche de la prochaine etape, jamais la vie n'a autant pris son sens. Elle grouille partout, et parfois cachee, elle surgit et te surprend, encore et encore et encore.
Bref, j'y retourne, vivre dans ma realite. Parallele.
jeudi 15 mai 2008
Voyage au bout du monde. Etape 1: Ushuaia
Raconter ce que je vois avec des mots. Ou tout simplement faut-il aller au bout du monde pour rencontrer l'indicible. Lui donner un visage, une couleur, un nom.
La nature.
Comme jamais, vivifiante. Au sens premier du mot. On la ressent, dans son corps, au travers de ses sens, finalement si peu usites en temps normal.
L'immensite, la purete, de l'horizon, des monts, du blanc de la neige (qui monte), du bleu du ciel (qui descend)...
La perfection?
J'avoue qu'en y etant, perdu au milieu de rien, ou du tout, ca depend du point de vue, on ne pense pas a critiquer. On ne pense pas a esperer mieux, ou autrement.
Aucune photo deja vue, aucun reportage, ne te fletrit la peau, ne te congele doigts, nez, menton et orteils (oui, patauger dans la neige avec des Vans est une mauvaise idee, mais tres lucrative); Ni ne te donne l'impression d'être un minuscule moustique perdu dans l'immensite d'un truc vrai et authentique qui ne fait pas semblant d'être autre chose que ce qu'il est.
Puis, un detail assez surprenant et qui a son importance, mais ne sera jamais re-transcris par des photos, le silence.
Pas un de ceux de villes, plein de bruits sourds, etouffes, de fantômes marchant sur un parquet. Non, un silence profond, clair, a peine obscurcit par le ruissellement de la petite riviere en contrebas, et le craquement regulier de mes pas dans la neige, au fil des heures devenant de plus en plus assourdissant.
Et ton corps, emmitouffle dans un certain nombre de couches de vêtements, et le froid paralysant ton toucher, ta vue n'en devient que plus sollicitee. Et tant mieux.
Ce que j'ai vu, vous pouvez tenter de le percevoir avec mes maigres photos (en terme de perspective, de rendu de la realite des couleurs, et de panorama). Mais ce que j'ai ressenti en le voyant, vous ne pouvez que l'imaginer... et j'en suis navree.
Monts enneiges:
Des versants lisses et chatoyants, comme le serait une etoffe de satin, couleur neige.
Ou abrupts, rocailleux et violents.
Puis arbuleux, gris, comme le serait une toile de maître en fond noir et pinceaux de flocons.
L'eau:
Toujours elle me porte a confusion. Elle se mêle, s'entremêle avec le ciel et ses occupants.
Puis, apres quelques secondes, passe de reflecteur a reflecte. Et je me perd dans le tourment de ses exactions, les yeux plonges dans son manege.
La terre? :
Enneigee. Elle craque, bruisse, s'enfonce, fond, mouille, salit. Chacun de tes pas compte, il se pourrait que ce soit le dernier. Veritablement. Car ici, l'eau rapidement se fait glace (et toi avec elle).
Tout ceci, vous vous en doutez peut-être, n'a pas vraiment aide a contrecarrer mon asocialisme latent. Jamais aussi seule, jamais aussi libre.
D'autant plus seule que rentrant de mes expeditions, je ne trouve pas de mots pour exprimer ce que j'ai vu. Mais ils semblent se contenter de mes "estaba lindo" ( c'etait joli). Ou mieux: muy lindo! (tres joli).
(oui, j'ai des lecteurs non hispanophones... personne n'est parfait).
Non, en vrai, les gens que l'on rencontre par ici sont des gens fous. De ceux qui arrêtent leurs etudes pour voyager, pendant un an, ou plus... Ou de ceux qui en attendent la fin, plus sages.
Certains, plus ages, mais pas forcement des plus sages l'ont fait autrefois et ont perpetuellement ce goût d'ailleurs que n'ont que les personnes qui voyagent beaucoup. De continent a continent, de pays a pays, de culture a culture. Ceux la te racontent le monde. Le leur, qu'ils ont vu de leurs yeux, sentis, ressentis. Et ils te disent tous qu'il faudrait plus d'une vie, ou encore plus que ca, pour finalement vraiment être satisfait de ses voyages. Partir en se disant: " je connais cet endroit".
Ou alors est-ce la la beaute du voyage, effleurer, toucher du doigt, ce qu'est la Difference, le Beau, l'Autre.
Et c'est deja pas mal.
J'ai 19 ans, je suis nee et j'ai grandi au Cameroun. J'etudie en France et en tout je parle et/ou comprend 5 langues.
J'ai aussi visite de pres ou de tres loin, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, l'Italie, l'Argentine, le Chili, l'Uruguay, les Etats-Unis.
Dans chacun de ces pays, j'ai rencontre pletorre de personnes. Tres differentes, qui m'ont tous appris quelque chose.
Alors oui, je peux le dire, une fois n'est pas coutume: je suis une fille chanceuse et rien que pour ca disons merci au ciel et prions pour que ca dure tout le restant de ma vie ( ou au moins les semaines a venir).
Le mot de la fin? Voyagez les gens, ca ouvre a la vie...
Ps: les photos, oui je sais, mais pas evident au bout de monde de trouver internet plus debit suffisant... Je continue neanmoins a vous abreuver de mes delires road-trippesques.
A biental.
mardi 6 mai 2008
Uruguay
Debut en anglais, je me lasse de la conventionnalite. De la même facon que, je l'avoue, je me suis lassee d'etaler mes perigrinations sur cette page vide et sans interet. Auto-flagellation.
Et pourtant (pourtant), me revoici, pleine d'anecdotes a vous conter, de souvenirs et d'images que je ne pourrais vous faire partager qu'avec mes mots. Petits, inefficaces, mais personnels.
Il s'est passe des tas de choses. J'ai redecouvert les plaisirs de la vie en solitaire, rêve d'Arnaud Bernard sans bouger de San Telmo, mange dans des parcs, trouve un bar-repere, traine avec des no limite-strangers.
Et puis, ma carte bleue est revenue et l'dee saugrenue et farfelue de partir en road-trip en patagonie-et-plus-si-affinites a finalement germe. J'en ai rêve, elle s'est imposee et je vais la concretiser. La seule question qui demeure est : quand ?
Le temps deviens une vraie problematique. J'ai envie de tout faire, maintenant. Envie de tout decouvrir. Envie de profiter a fond des dernieres semaines qu'il me reste.
Apres une tentative de reservation de billet pour depart vers Ushuaia ce jeudi, qui a lamentablement echouee grâce a mes competences certaines pour la destruction de toutes previsions depassant la semaine, je pars finalement mercredi prochain. C'est sûr.
Treve de racontage de choses, ma foi, peu interessantes.
Ce week-end a ete le prelude d'un voyage vers le bout du monde. En effet, quoi de mieux pour se faire saliver soi même quand-a l'eventualite d'un Voyage, que de faire un voyage. Il m'a suffit de traverser une riviere, il a suffit d'une heure et demi pour enfin assouvir mon desir d'ailleurs. je vous raconte comme je l'ai pense sur le moment, carnet en main. Vous excuserez les divagations encore une fois, c'est que je m'entraine a ne rien dire sur 70 pages.
Depart pour l'uruguay:
7h30 et deja reveillee. Je bouillonne d'impatience, c'est evident. Mon sac est prêt depuis plus de 6h, chose rare.
C'est que partir, j'aime ca, je ne le dirais jamais assez.
Et puis ce voyage a un goût d'infini, c'est le prelude de mes futurs craquages vadrouillages. ( annexe 1 : relire ci dessus) et puis Colonia pour l'instant c'est comme decouvrir un nouveau petit quartier de Buenos aires. 1h de bateau c'est si peu.
Le bateau parlons-en. je suis dedans. Ma poitrine m'oppresse, mais je ne pense pas que ce soit le mal de mer. ce n'est pas encore l'ocean, mais ca en a le gout. L'eau, orange, va vers l'infini et contraste avec le bleu du ciel, azur. Ce sont des milliers de vaguelettes encore et encore. Qui se jettent quelque part au loin. Imaginons un instant que la terre soit plate. Serions nous tant pousses par ce desir d'aller toujours plus loin, toujours plus vite?
D'un côte c'est un peu stressant. Les metres, les km se succedent comme rien. Ca gigote de partout et pourtant cette ligne d'horizon demeure, imperturbable.
Orange bleu, bleu orange. je m'imagine naviguer dans le ciel, contemplant des nuages de mer.
Et ces reflets d'enfants sur fond azureen ne m'aident pas a trancher sur l'endroit ou je suis.
Treve de palabres, j'aime le bateau. J'aime cette confusion qu'il cree. Est-on perdu? ou justement pile a l'endroit ou l'on est cense être? Entre quelque part et ailleurs. Un lieu qui n'appartient qu'a nous. Et ce lieu serait le monde. Nous retrouvant comme dans nos delires egocentriques enfin et finalement au centre de ce si lineaire infini. j'imagine que ce mot si complexe a definir ne prend vraiment son sens que sur le pont d'un bateau en haute mer, perdu dans la solitude de l'infini des possibilites.
Puis l'uruguay. je vois aprocher la terre avec une certaine tristesse. j'ai l'impression de deja la connaitre, j'ai peur de ne plus être surprise par rien. C'est mal me connaitre, eternelle enfant emerveillee par le plus microscopique des details.
Colonia, une toute petite ville, de toutes petites avenues, de petits restaurants, de petites personnes. Je dois avouer que je continue de percevoir ce pays comme en miniature. je me suis decidement trop habituee aux capitales gigantesques.
Le plus interessant qui me restera de cette ville, c'est bien sûr son "casco antiguo". qui n'est pas un casque tronant au milieu de la place centrale, mais bien la vieille ville. Rues pavees, et fleurs jaillissants de tous les côtes, toutes ces couleurs eclairees par un soleil radieux. Colonia c'est tranquille et paisible, c'est comme remonter le temps. comme se poser sur ce qui parait être un bord de mer et rêver que le monde est encore un univers inconnu a decouvrir. On rêve d'y passer une nuit, avec un sac de couchage, des etoiles plein le ciel, un petit feu de camp et une guitare. on y rêve de rire, de partage et d'oubli. Colonia a ce petit air de campagne qui manque lorsque l'on vit a buenos aires, dans son effervescence, son immensite, son bruit.
Pour la petite anecdote, je suis montee dans mon premier phare. Blanc, fier et haut (je crois que c'est le but) qui nous a offert l'opportunite de profiter d'un coucher de soleil sur fond d'horizon maritime, avec rougeades, orangeades et reflets sur eau et nuees. Je vous laisse imaginer.
Puis, in-extremis, attrapage de bus vers montevideo, 2h30 musicales.
Et la capitale, d'un calme surprenant pour un vendredi soir. D'ailleurs, elle doit être calme tout le temps. La tranquilite n'est pas un defaut, il suffit d'être pret a l'apprecier. J'ai mis le temps mais je m'y suis fait. Merci Maryse.
Ballades dans la veille ville un lendemain de veille. Ensoleille, chaud et vagabondant. Puis sieste en auberge pour digestion efficace.
En parlant de digestion, je crois que ce voyage restera un de ceux ou j'ai le plus mange. En passant du chivito, a la parilla (qui n'a rien a envier a celle argentine), puis au choripan version uruguachenne (avec option toutes sauces et tous legumes autorises), en passant par la torta frita et la pizza rellena. On va essayer d'eviter la balance pendant un petit moment.
Montevideo et son teatre: el solis. Petite visite guidee, ma premiere d'ailleurs. Puis Montevideo et ses fêtes pour la legalisation de la marijuana, avec affiches dans toute la ville et pas un flic en uniforme a l'horizon. Drôle de pays. Dans les journaux du lendemain, des commentaires tres objectifs du genre : "la fête pour la legalisation de la marijuana qui a eu lieu a montevideo s'est passe dans une ambiance de paix et d'amour". Veridique. ya t-il de la criminalite en uruguay? ou est ce un pays calme tranquille et bisounours? ( oui je blague, mais avouez que ce serait drole...)
Oui il ya de la pauvrete, mais on s'en fou des pauvres. Ils avaient qu'a naitre ailleurs... et comme le disait mon vieux popa : "quand on veut on peut!".
Bref, objectif reussi avec ju, qui partie un peu plus tôt, n'a pas pu profiter de la feria et de ses nombreux stands de mate, ni de la rambla avec le même compagnon (pour ceux qui l'ignorent il s'agit d'un bord de riviere qui n'a rien a envier a certains bords de mer, avec sable et pigeons fous). Plus fidele a l'homme que le chien selon certaines sources journalistiques uruguayennes.
J'ai bien mange, j'ai bien bu, j'avais la peau du ventre bien tendu, merci basque bondissante et autres colombien et peruvien.
Allez je compte aller au travail aujourd'hui, la suite au prochain numero.
jeudi 27 mars 2008
Chile, voyage de l'autre cote des andes
Pour les details, voyez donc le boutdumondebis, je resterai et demeurerai la specialiste des impressions-posts.
Bref, depart par un bel apres-midi dans une semaine magique. Nous n'attendions que ca, nous en revions, nous l'avons fait...
Dans la realite c'est moins idyllique que ca, surtout parceque comme ils disent ici, j'ai fait ma "boluda". Pour être plus explicite, le jour ou on s'est retrouvees a la magnifique gare de Retiro, j'ai bêtement perdu ma carte bleue (oui celle qui fait que tu te sens tout puissant dans un pays etranger) ... on dira "perdu" pour que je me sente moins conne (histoire de changer un peu).
Comble de l'infortune (mais je ne savais pas encore a ce moment la que le veritable comble, celui qui te laise coi, etait encore a venir), il n'ya plus de places pour le jour que nous avions prevu pour le depart. Ce qui a donne lieu a une bonne demi-heure de palabres pour tenter de convaincre mes co-road-trippeuses que "non on ne les tueras pas au travail si elles loupent une journee". Menfin faut les comprendre, au moins "yen a qui travaillent".
Finalement donc, je perd ma carte, tente desesperement de ne pas peter un cable (bon, dans l'idee si on a pas de chouettes potes, voyager sans thunes c'est un peu mission impossible). Et je decide malgre tout de me lancer dans l'aventure.
Vous comprendrez pourquoi monter dans le bus m'est finalement apparu comme un soulagement (imposible alors de faire marche arriere). Et pourquoi en en descendant, 32 heures plus tard, ce premier sentiment avait bien eu le temps de laisser place a d'autres, dans ma liste je retiens: l'humour, l'exasperation, le comble de l'exasperation, de nouveau l'humour et finalement le detachement, la derniere et meilleure des armes.
Santiago donc, de nuit, sans banque, sans peso chilien, sans carte, sans telephone mais au moins les pieds sur terre et arrivees a bon port. Puis, premier rayon de soleil dans une nuit pas etoilee (si je ne trompe pas, depuis le fameux bide du bobdy en concert), une fleur de la chance, et des chiliens, les premiers a qui nous parlons sur leur territoire, presque trop gentils pour être vrais.
On remarquera plus tard que les chiliens en vrai, ce sont des amours. Je ne trouve pas d'autres mots. Que ce soit a Santiago, ville ultra-moderne, europeanisee, ou Valparaiso, latine latine latine, toujours prêts a donner un renseignement puis vous tenir par la main pour vous y emmener. Vous donner un sourire, accompagné de la blague qui tue, souvent tentee dans un francais toujours approximatif, et d'autant plus touchant.
A Santiago, une seule matinee. Mais une ville qui respire la tranquilite même dans son centre d'affaires, tellement en contradiction avec celui de Baires, toujours brulant et bouillonnant d'allees et venues. Et puis Santiago, c'est aussi l'echec de la rencontre avec Maelle, loupee a diner, loupee a dejeuner... elle ne nous a tout de meme pas lancee ses restes de salade a la figure, alors il ya de l'espoir. Surtout quand on voit l'apparition Maryse, bondissante et bisoutante tel un cabri a travers les pres (on ne peut rien vous cacher, c'etait dans un jardin) , j'ai toujours du mal du mal a croire que cet episode psychedelique etait reel.
Puis Valparaiso, differente dans la forme mais la meme dans les intentions. Avec ses rues etroites et pleines de toutes petites choses qui s'entassent, s'accumulent et virevoltent en spirale, en etage, en escaliers. Valparaiso, coloree forcement, mais lumineuse surtout, de part ses gens, ses bars, sa musique.
Des tags, oui il yen a, partout, a chaque coin d'oeil, a chaque clignement de rue. Mais pas seulement, il ya les messages, aussi.
Et puis c'est la que nous avons danse, en rond, cercle que nous avons brise pour tuer une dame. Accompagne de Margaux, oui la meme mais en version "je vis et travaille en Amerique latine"... je n'en demord pas, elle a change on dirait, en bien.
Et puis, Vailparaiso, dans la foulee des rencontres folles, Camille la temeraire qui a affronte sa horte de puces en delires avec un stoicisme stoique (les mots m'en manquent, clairement).
Mais toujours en vrac, en meme temps que les images me reviennent en memoire, il ya: les chiens, partout, qui "naissent pour mourir", attaque de gale oblige. Il ya les empanadas de fruits de mer, ou encore cet enorme plat ou se superposent gracilement "frites, viande, saucisses, oignons, oeuf, fromage". Un regal pour les yeux, l'odorat et la panse.
Puis il ya la mer, la mer, la mer... et mon premier tour en bateau. Le tout premier, qui fait des sensations bizarres et qui laissent sur sa faim...envie de plus un jour, de plus loin, plus vite, moins motorise. Je reve d'ocean, d'etendue desertes, d'infini et de trucs degoutant qui navigent a nos cotes. Explication: j'ai vu une meduse.
Toujours comme une enfant je decouvre les choses donc, ne me restent que les impressions, les sensations et quelques images fugaces. Puis revenant je ressent la satisfaction de quelqu'un qui va en terrain connu. Je comprend que certains s'attachent a Valparaiso, ca me parait meme logique. Cet endroit a pour le touriste vaguement un air de paradis: originalite, mer, art, accueil. En vrai, j'aurais surement adore y passer une annee... si je n'avais pas ete a buenos Aires. En vrai aussi, je me dis que le "Tiers monde"qu'il change de couleur, traverse des oceans ou danse le merengue au lieu de l'assico reste le tiers-monde. Toujours ceux qui ont peu donnent beaucoup, et a leur image sont leurs endroits. A vailparaiso, les tags te font oublier la precarite de certains endroits, la couleur masque les defauts des habitations, et les sourires te font definitivement passer dans un autre monde, idyllique. Et en meme temps c'est ca qui est beau, faire du presque rien le plus extraordinaire. Comme une salsa avec des inconnus a pas d'heure, comme croiser Holden en version norvegienne avec un nom qui ressemble a Einstein, comme manger du poisson avec pas loin l'odeur salee de la mer, comme se trainer des boulets et s'en defaire majestueusement, et comme des larmes, on sait pas pourquoi elles sont la mais elles y sont et apres ca fait quand meme du bien (Maryse ou etais-tu?).
Des moments inoubliables, avec des gens pas tres loin de ca et la "no-regret attitude". A part la perte de mon portable, je ne changerai rien, pour rien au monde. et du coup j'ai hate, de fuir encore... peut-être une estancia, peut-être Iguazu, peut-être l'Uruguay, peut-être la Patagonie, et si possible tout .... et vite, tres vite.
lundi 10 mars 2008
Vie aérienne et autres péripéties non moins volatiles
Une semaine, deux semaines. De nouveaux arrivants et cette impression folle d’être moi aussi tout comme eux toute neuve. Impression qu’à travers leur regard et leurs rires je peux voir les choses différemment. Je les attendais, et je le sentais revenir ce sentiment, revigoré, cette excitation que l’on ressent toujours en arrivant dans un nouvel endroit.
Tour à tour guide, mais pas trop, traductrice, ma foi pas bien compétente ou encore juste amie. Et là peut-être plus entière. J’aime.
Des calins, des bisous et des idées folles. Des décisions de dernière minute, suivant les aléas de ce ciel un peu trop tourmenté.
Pendant un moment j’ai oublié mes responsabilités suivant juste mes envies, de glandage, de festoyage. J’ai à nouveau arpenté les rues en essayant d’y trouver un sens, ou une âme, je ne sais pas trop.
Sans métaphorer, Sebastien d’abord. Premier arrivé, un inconnu ? pas tellement, du moins maintenant si peu. Premières impressions, parlage acharné en français, comme un épisode anachronique dans un film d’époque. Et aussi la redécouverte du si légendaire accueil chaleureux de mes colocs. On fera avec, ou sans, épisode à suivre.
Puis Juliette, ju, juju, rire et tongs, et puis aussi le plaisir de reboire des mojitos, de prendre l’apéro. L’apéro. Ju si pleine de cette ambiance si particulière imprimée par Toulouse dans nos gènes. Je l’avoue, ça m’a fait du bien d’avoir de nouveau quelqu’un qui vous dit « allez, c’est l’heure de l’apéro, on va se boire une bière ». Pas alcoolique, non, juste frais en été, comme le serait une bonne limonade, avec jus de sourire.
Enfin Jail. La new yorkaise. La bretonne, et toulousaine. Jail, folle toujours. Et aussi Jail qui doute en s’écoutant parler comme elle entendrait les échos lointains des souvenirs d’une langue oubliée.
Et puis à 4. Une bande de toulousains tout simplement. Sans chipotage, sans questions existentielles, juste une boule de joie qui explose encore et toujours, comme tous ces rires qui résonnent encore dans mon patio, ou dans les rues de Buenos Aires.
Maintenant je me dis que c’est le dernier épisode qui commence, que ce sera bientôt la fin. C’est comme un nouveau né qui porte avec lui la certitude de la mort, on y peut rien, on ne peut que profiter de cet instant qui ne reviendra plus.
Dernier épisode donc, avec de nouvelles têtes, ou pas. Ou juste des projets, plein, partout, fous et qui je l’espèrent se réaliseront, faisant de cette année de mobilité une année totalement et définitivement incroyable. Formant comme une parenthèse juste dans nos vies, ou comme une suite logique et pleine de sens pour le reste. Les autres années qui s’annoncent, je ne sais pas pourquoi, bien moins réjouissantes pourront au moins se vanter d’être celles qui auront suivi celle-ci.
C’est sans doute le meilleur épisode de l’iep. Une école vraiment folle, finalement avouons le. Qui donne cette possibilité d’être autre, ailleurs, pendant une année entière. Presque une année sabbatique que l’on prendrait à réfléchir à qui l’on est ou à qui l’on voudrait être. Juste pour ça, merci, juste pour l’opportunité, même si les réponses ne suivent pas.
J’y retourne, vivre. Quand j’en aurais bien profité je raconterai encore, mais sûrement sur un autre ton, plus mélancolique... et il faudra être prêts à ça.
jeudi 14 février 2008
Une journée ...
Levée comme d'habitude, mais des envies plein la tête. Ca sentait une journée vadrouillage, de loin. C'en a été une, bien.
Sans lyrisme, sans jolis mots, cette ville est juste belle. Son architecture, peut-être mieux qu'ailleurs, évoque son histoire. Des strates de temps, des couches d'envies, de celles qui changent. On passe du XIXème au XXème en un clignement de paupière, à peine le temps de dire ouf et un nouvel immeuble, avec de nouvelles couleurs. Il faudrait s'asseoir quelque part, prendre le temps d'éplucher cette accumulation de choses, de trucs et de machins. De tout, dans tous les sens, mais en fait pas le temps, ou plus le temps de s'arrêter sur chacunes d'elles.
Pourquoi? parceque mine de rien, on s'y fait, les choses deviennent naturelles. Passer devant la Casa Rosada n'évoque plus rien ... ça ne fait plus tellement bizarre de voir cet édifice tout rose, comme serait l'immaculée maison blanche.
Et alors on remarque les touristes en un regard, on les évite même. Comme une envie de ne pas être associés à eux. Je ne sais même plus pourquoi. Suis-je une touriste? il ya tant de choses que je ne connais pas dans cette ville, tant de choses encore à découvrir.
Passant dans la Suipacha, je tombe nez à nez avec un magasin de pompes de tango. Ca fait un bail que je n'ai pas dansé. J'ai certainement déjà tout perdu des 3 leçons que j'ai pu prendre. J'entre, je regarde, et bizarrement je sais exactement ce que je veux. Noires, en cuir, elles dureront plus. Fermées devant, sinon je ne pourrais pas danser bien longtemps, avec les pieds qui glissent. Assez souple pour pouvoir plier, retourner, faire glisser sur le sol mes pieds. Assez grandes, pour quand ils vont enfler. Et des classiques, sans fioritures, que je garderai toute ma vie, et que je pourrai mettre toujours, avec tout.
Puis, des mots échangés. Sans doute en parlant ai-je donné l'impression de quelqu'un qui s'y connait. La demoiselle me conseille un cours, très bon prof qu'elle me dit, tu pourras progresser. Merci.
Une journée comme ça. Où on marche, sans savoir exactement où on va. Mais on y arrive, sûrement.
Je préfère les journées que je fais sans plan, parceque prévoir un itinéraire dans cette ville tient du miracle. Du moins, lorsque l'on veut tenter de passer d'un barrio à un autre, ou quand on veut tout faire trop vite. Pour traverser la ville, il faudrait en bus deux fois 45 minutes, au moins... un système de bus tentaculaire... encore plus que peut l'être le système de metro de New York, c'est dire. La raison est simple, jamais on ne connaitra les itinéraires de toutes les lignes de bus ... jamais on ne saura à quel endroit exactement ils s'arrêtent.
C'est sans doute une des raisons pour lesquelles on sait toujours d'où on part à Buenos Aires, mais jamais où on va arriver, ni à quelle heure, ni avec qui. Et c'est ça qui est beau. L'improvisation et le système D sont les maîtres mots. C'est l'imperfection d'une soirée qui fait sa beauté. L'imprévu, à condition d'y être ouvert.
Du moins, c'est mon impression, très personnelle. Elle n'engage à rien, tout y possible. Quand j'y suis sortie, c'est surtout avec des argentins, je ne connais donc que ces lieux. De la nuit, je connais les boliches, choses qu'en France je fréquente peu. Ou certains bars, où on reste debout, où l'on sort pour pouvoir fumer (interdit normalement dans les lieux publics). Ou encore, les fin de soirées, dans un petit bar on ne sait où, du moment où l'on peut y boire des bières, et jouer au billard (je suis nulle je préviens).
Mais je sais qu'il yen a un autre de Buenos Aires, un plus glamour, plus riche. Ou un plus touristique. Ou même un plus pauvre. Dans tous les cas, ça parrait évident, mais il faudra savoir en assumer les conséquences. Pour le compte bancaire, ou pour le contenu de son sac.
Bref, vadrouiller, c'est bien. Et pour les gens qui viennent, j'ai hâte, mais j'espère juste que vous vous satisferez pour le début, de ces petits rien qui font que j'aime cet endroit, et qui me font l'apprécier. (Parceque ça reste des rien quand même).
Des bisoux, des papous, je mange et après je sors, je suis motivée aujourd'hui.
Pour la journée, pas de photos (parceque oublié, partie comme j'étais, la tête à l'envers), mais bientôt..... et puis je les garde pour la fin, quand tous les gens qui sont censés le voir l'auront vu...
mardi 29 janvier 2008
Titre (ou la fin de l'inspiration)
Sinon, le gens disent qu'il fait beaucoup trop chaud en été en Argentine, et à Buenos Aires. Mais en fait je suis en train de penser (oui parfaitement) que c'est le climat idéal... du soleil, du vent, un peu d'humidité pour relever tout ça, la combinaison parfaite (rêvez, rêvez, amis perdus dans vos contrées enneigées!).
voilà! sinon ce midi je retourne chez Burger King, après plus d'un mois de séparation forcée ... jvous mettrai une photo promis!!
Allez bisoux les zozios et à bientôt pour de nouvelles aventures!
ps: quoiqu'on en dise, les virus c'est le mal. Fin de la citation.
samedi 26 janvier 2008
Dimanche 13 janvier 2008
Et puis tant pis, tout est blanc ? C’est peut-être le moment d’un nouveau départ, ici aussi. Il faut trier toutes ces choses qui sont maintenant entassées dans un petit placard. En vrac, en bordel… c’est le foutoir qu’ils disent, mets-y un peu d’ordre. Oui, mon foutoir, je le reconnais bien là, il encombre, plein de petits rien, un mot par ci, une lettre par là, une réflexion notée sur un bout de papier. Je devrais peut-être en faire une compilation, les noter quelque part, toutes ces choses que j’ai pensé à un moment dans ma vie, des blagues, des soucis d’adolescente, ou d’autres plus métaphysiques.
La métaphysique, je retombe sur des notes prises en dialoguant avec mon prof de philo, gentiment surnommé M.G, en hommage à un autre M.V bien connu en littérature. J’ai plus appris sur moi-même qu’avec d’autres, qu’avec de bons amis, le seul moment de mon existence où j’ai « parlé » en cours, pour le plus grand plaisir de mes camarades qui pouvaient en paix faire leurs devoirs d’espagnol pendant que je « partais en croisade ». Contre moi-même, contre cette philosophie trop souvent contradictoire, contre tous ces avis qui se mêlent et s’entremêlent, un joyeux foutoir.
Mon jardin, à l’ombre d’un manguier tout parait plus simple, regardant les oiseaux qui font leur nid, fuyant les bestioles qui se terrent pour surgir par hasard sur un plis du jean, le tout agrémenté de cris stridents, puis des moqueries de Jérôme le jardinier, ou même d’Adriano « Tu veux que l’écrabouille ? ». Oui s’il te plaît. Ou non, ce n’est pas tellement chez moi par ici, ça ne me plairait pas qu’on m’écrabouille chez moi. Voilà c’est dit.
Bref, chez moi, sans l’être totalement. Appartenir à un lieu, ça paraît d’un coup important, y avoir des amis aussi. Ici je n’en ai plus, ils sont tous allés faire leur vie, comme moi je l’avoue, et ne rentrent plus tellement au pays. Pourquoi ça coûte tellement cher ? Pourquoi empêcher les gens de venir ? il ya tellement de contraintes dans ce pays. Ce magnifique pays : l’Afrique en miniature. Un bac à culture de culture. Oui, je ne trouve pas plus redondant, mais c’est ce qu’il ya de mieux pour le décrire. Le plus beau pays, le moins exploité. C’est contradictoire, mais il faut souffrir pour pouvoir l’apprécier.
J’y ai voyagé, peu dans ma vie ici, et beaucoup cette fois ci. J’ai pris l’avion (incroyable mais avec seulement une heure de retard), je suis partie au nord (pas l’extrême, ça faisait un peu loin et puis à ce qu’il parait pas de structure d’accueil). Vous l’avez compris le Cameroun est divisé en fonction de ses différents climats et paysages. Au sud, la forêt équatoriale, à l’ouest (qui en fait est l’est, mais je ne sais pas pourquoi on appelle ça l’ouest, de l’Afrique sans doute) des collines verdoyantes, le côté très « agriculture » donc. Au nord, la savane, relativement verdoyante encore, avec des températures vivables même en période sèche (entendez dans les 40°). Puis l’extrême nord, savane aussi, mais de plus en plus aride au fur à mesure qu’on monte, semi désertique en somme. Puis la côte, le littoral, avec la mer, le fleuve principal et son port. Voilà, en résumé très grossier ce qu’on peut y voir, dans ce pays magnifique.
Sinon, il est aussi possible de couper en fonction des langues nationales : français ou anglais. Ou encore, en fonction des majorités en matière de religion : chrétien, ou musulman. Où le mieux en fonction du nombre d’ethnies, travail beaucoup plus fastidieux vu qu’on en dénombre pas moins de 240.
On a voyagé pour voir des animaux, bien que ce ne soit pas la saison. Tentant une nouvelle expérience dans un coin réputé dangereux (coupeurs de routes et co y sévissent parfois). Ce qui a valu à mon père la visite au général (de l’armée donc) affecté à la zone. Vous avez peur ? non, on y est allé les doigts dans le nez sans crainte des risques, et on a eu aucun soucis alors bon on va pas épiloguer.
On a longtemps cherché les félins, les éléphants, j’ai en vain scruté les arbres à panthère, y cherchant mon animal préféré, celui considéré comme une anomalie de la nature : la panthère noire, la féline, classe et dangereuse. En vain. J’ai apprécié le côté très sauvage, il a parfois fallu sortir couper à la machette les branches d’arbres au milieu de la piste. Les animaux y sont d’autant plus beaux, qu’ils se font rares, qu’ils ne sont pas habitués à voir des humains, des voitures ronronnantes et brisant ce silence pas si silencieux de brousse.
Ils fuient pour mieux nous observer avec curiosité, de loin. On aurait dit nous, mais en pas sur deux pattes, en pas sur 4 roues, et pas avec des trucs carrés qui crépitent parfois, juste ce regard accusateur.
Ils sont impressionnant d’énormité, de vacance : aller chercher de l’eau, aller chercher de la nourriture, puis se mettre à l’ombre pour pouvoir digérer tranquilles.
On a fait exactement la même chose. A savoir que dans un camp, sans lumière (un peu le soir pour la forme), sans réseau téléphonique, sans télé, sans Internet, sans piscine, sans cinéma, et même a un moment sans lecture, il y a pas grand-chose d’autre à faire que : boire, manger, et se reposer à l’ombre. Un jour je vivrai dans la savane, paradis de la glande.
Sur le chemin du retour on a décidé de faire un détour pour aller manger dans les Iles grecques, du capitaine fumé en entrée, du capitaine grillé en plat et en dessert du cap… ah non rien en fait.
Sinon, j’avais oublié que les moustiques aiment, que dis-je (c’est une péninsule) adorent ma peau caramélisée et mon sang juteux à souhait, j’aurais pu compter les piqûres sur les doigts de 20 mains, Tatiana aussi, et ce malgré tous les sprays très efficaces sur tous les autres. Je suis maudite.
Bref, le Cameroun c’est le paradis. Surtout qu’il y a mes deux monstres. D’autant plus monstrueux qu’il m’est de plus en plus difficile de leur résister, surtout qu’ils connaissent mon point faible avec eux : les bisoux… en même temps ça se comprend.
Ils ont bien grandi depuis la dernière fois.
Le fait qui m’aura le plus marqué c’est une discussion avec Adriano qui un jour sans prélude me sort « je n’ai pas envie de mourir Steph. ». Puis me parler les larmes aux yeux de ses craintes : « est-ce que quand on est mort on est tout seul dans le noir, il n’ya plus rien ni personne… est ce que tu seras là Steph quand je vais mourir ? Est-ce qu’on sait quand on va mourir ? ». Comment dire à un bout de chou de 6 ans qu’il ne saura jamais, que personne ne sait et que c’est malgré tout ce qui fait la beauté de la vie ? Comme ça, avec franchise, malgré que cette réponse n’en soit pas une. C’est dur quand on a 6 ans d’accepter déjà le mot « fatalité », le mot « impuissance », le mot « injustice ». Je l’avais déjà oublié. Il semblerait que c’est dans les gênes d’être des torturés de l’esprit…
Divagations matinales
Réponse : dans l’immédiat, il est dans ce verre d’eau transpirant de la douce fraîcheur de son contenu sans cesse revigoré par ces petites choses éphémères que l’on nomme glaçon. Oui le bonheur c’est ça : un bon verre d’eau fraîche, quand on a soif. Deuxième condition prépondérante, plus on a soif, plus on apprécie cette eau qui soudain apparaît comme miraculeuse.
L’eau c’est la vie, c’est normal. Faisons donc une comparaison toute bête, imaginons que l’eau ce soit le bonheur. Tout s’explique donc. Les gens que j’ai le plus vu heureux, les vrais épicuriens, sont ceux qui souffraient le plus. Les destins tragiques forment des personnalités hors du commun, dans le bon comme dans le mauvais côté. Et paradoxalement, cet extra-ordinaire devient en fait la simple capacité à apprécier les choses pour ce qu’elles sont dans le présent, pour le réconfort qu’elle apportent dans l’instant.
Le bonheur, pour le moment, avec ce verre d’eau, c’est donc l’instant où sentant le goût frais et délicatement fruité de cette eau, je me sens désaltérée. Rien de plus, rien de moins.
Une entrée en matière pour le moins surprenante. Certes, mais lorsqu’on a rien à dire, on divague, c’est bien connu. Quelqu’un m’a dit que je pouvais bien parler des glaçons si je voulais, ou de mes vadrouillages nocturnes. Je m’exécute donc.
La No-life, c’est rester chez soi à ne rien faire. Je suis passée experte en la matière. Mais en fait ce n’est pas le Rien, qui n’existe vraisemblablement pas. C’est au contraire s’abreuver d’une vie, qui n’est pas la notre. Lire, écouter de la musique, regarder des films, tenter quelques accords de guitare. Ca vous remplit une journée en un rien de temps, et le temps, alors s’abollit, les jours passent lentement et on a l’impression d’avoir vécu mille choses au travers de ces histoires d’autres qu’elles sont belles à entendre, belles à voir ou à imaginer. Car l’élément important de la No-life, c’est l’imagination. Avec son imagination on peut voyager partout, comme l’exprime si bien le film Le scaphandre et le papillon. On est de toutes les façons toujours enfermés quelque part, alors tant que ce n’est pas dans notre tête ça va.
Tout ça pour dire que Buenos Aires prête autant à la No-life qu’à vivre sa vie. La sienne, qui n’appartient qu’à nous, avec nos décisions, nos erreurs et le concert de conséquences qui va avec. On peut vite s’y retrouver seul, et trouver des gens avec qui parler est chose aisée.
Je suis radicalement passée de l’un à l’autre et le résultat est clair. J’ai pris mes pieds, mes lunettes et nous sommes ensembles allés dans un bar. Un bar censé être un « pub », mais qui n’a de ce qualificatif que la réputation, infondée. Il y avait des gens, avec leurs amis, des jeunes hommes et des jeunes filles, je dois l’avouer presque tous beaux. Il semblerait qu’il y ait des endroits où ils aiment se rencontrer, échangeant de beaux sourires, et de beaux souvenirs, tout aussi vides de véritables sentiments qu’ils sont éphémères. J’y suis donc entrée armée de mon plus beau sourire et de mes chaussures violettes (les deux au même niveau, au ras des pâquerettes), je me suis nonchalamment dirigée vers le bar, scrutant autour de moi et tentant de m’approprier ce nouveau lieu. Je ne pourrais pas être aveugle, c’est déjà assez compliqué d’affronter l’abyme existentiel, si en plus il doit être omniprésent et presque palpable, …. Bref, je suis donc au bar, et bien sûr vu que c’est bondé, il y a du monde, il faut attendre pour être servi, ce qui est quand même fort regrettable vous avouerez. Or, généralement les gens civilisés dans des lieux qui ne le sont pas moins, discutent en attendant leur prochain.
Je peux donc vous l’avouer à présent je pourrais être une vraie lifeuse, une de celles qui trouve toujours quelque chose à dire, un sourire niais sur les lèvres. Quand on est seul surtout, il y a moins de difficulté à venir vous parler (oui de l’aveux de certains, je peux parfois faire peur, en monstre glacé que je suis). Il suffit alors d’animer la sympathie chez l’autre.
C’est comme pour danser le tango. Explication : il y a des codes, comme une cérémonie avant que deux partenaires se choisissent. Tout est jeu de regard, attention à la moindre réaction faciale de l’autre (d’où l’avantage bien reconnu de voir, c’est beau les sens). En clair, l’homme scrute son élue, qui si elle est d’accord répond par un simple sourire, et si non, elle se contente de détourner le regard. C’est pour cette raison simple que dans un lieu où se danse le tango il est conseillé d’éviter de scruter avec attention tous les faciès burinés de l’assistance sous peine de se voir proposer des choses indécentes, comme une danse.
Dans un bar, la cérémonie reste la même. Je suis fascinée par toutes ces petites différences d’un pays à l’autre, bien qu’incapable de les énumérer. Ma socialisation à la façon d’une sociologue en herbe (ras des pâquerettes je vous disais) consiste en l’observation attentive et presque religieuse des jeux cérémoniques des lifeurs aériens. Le constat ? il vaut mieux être accompagnée légèrement que pas du tout. Être seule pourrait conférer un avantage, le libre arbitre et la libre décision (non ce n’est pas la même chose), mais un inconvénient aussi : être métisse, française, s’exprimer relativement bien dans trois langues bien définies, et en plus avec des lunettes et des chaussures violettes, ça fait beaucoup en une seule fois. Beaucoup trop, de monde, de tables et de chaises, de gens beaux, de finitude humaine (ça c’est juste pour faire genre que je pense, mais c’est un leurre, vous êtes prévenus).
Alors bon, dans un sens vous allez vous dire que je me suis ennuyée, toute seule, ou que d’autres se sont chargés de cette tâche hardie. Mais non, en fait j’en ai bien profité, j’ai discuté avec quelques personnes ravies de me faire découvrir leur français médiocre ou de me faire constater qu’ils parlent italiens aussi mal que je le comprend. Et en définitive c’était drôle, de voir mes semblables ainsi se voiler la face sur ce qu’ils sont, des gens beaux avec du rien dedans, ou parfois et c’est plus intéressant, une apparence de rien avec ce petit truc qui vous fait penser : j’aime bien la vie.